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[Mexique 🇲🇽] Insectes préhispaniques

Les peuples du territoire qui correspond aujourd’hui au Mexique mangeaient des insectes : malgré les tentatives d’effacement culturel, on en est certains. Voici quelques éléments sur cette histoire !


Les conditions s’y prêtent

Avant la conquête espagnole, peu d’animaux sont élevés sur le territoire du futur Mexique. Le lama et ses cousins sont utilisés pour leur laine mais pas pour leur viande. L’environnement fournit des poissons, des reptiles, des tatous, des oiseaux, mais tous ces animaux sont plutôt vifs et leur courir après est une dépense d’énergie que leurs calories ne compense pas toujours.

Si l’élevage n’est pas leur point fort faute d’espèces faciles à élever, les peuples préhispaniques ont en revanche une maîtrise incroyable de l’agriculture. Non seulement les champs se trouvent attirer certains insectes, comme les sauterelles, mais en plus la saisonnalité de la récolte des insectes et la nécessité de les conserver ne représente aucune difficulté pour eux.

Dans ces conditions, il n’est pas très étonnant que capturer des sauterelles dans les champs, des chenilles sur les arbres ou des fourmis au moment de leur grand envol nuptial soit une source de nourriture rentable.

Des interdits alimentaires

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Par exemple, il n’est pas question de toucher aux aigles, profondément divins.

Ce n’est pas parce que quelque chose est comestible et pratique à attraper qu’un peuple va forcément l’intégrer à son alimentation.

Notamment, les croyances des peuples préhispaniques font état d’animaux divins, sacrés, magiques ou tabous, qui forment une longue liste d’animaux porteurs de restrictions alimentaires ou de conditions très particulières autorisant leur consommation.

Les insectes n’auraient pas eu ces restrictions. Peut-être à cause d’une différence de traitement entre les grands animaux et les petites bestioles liée à leur taille. En tout cas, sans ces interdits alimentaires, les insectes auraient formé un réservoir de protéines plus pratique que le gibier.

Des archives perdues mais un témoignage certain

La relation des autorités – civiles comme religieuses – espagnoles avec les peuples américains présents sur le futur territoire du Mexique a été complexe.

Monuments majestueux en pierreD’un côté, la réalité des monuments en pierre bâtis au milieu de la forêt ou au sommet de hautes montagnes a empêché les témoins hispaniques de l’époque de les classer derechef dans la catégorie « sauvages », comme cela avait été si facilement fait avec des populations qui vivaient en villages ou en campements plutôt qu’en villes. De l’autre, le polythéisme, les vêtements légers et les sacrifices humains étaient des éléments culturels inacceptables pour les espagnols.

Un genre de « dualité coloniale » est ressortie de ce choc culturel. Un groupe pensait que si les peuples américains d’origine étaient civilisés, alors il y avait des choses à apprendre de leur culture et celle-ci devait être conservée. Un autre groupe pensait que si les peuples américains d’origine étaient civilisés, alors ils méritaient qu’on prenne le temps de les aider à remplacer leur culture, forcément mauvaise, par la vraie bonne culture espagnole.

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Existe en plein d’éditions, en voici une au hasard.

Cette mise en contexte avait pour but de vous parler du manuscrit Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, écrit par un soldat de l’armée de Cortés ; ce codex contient un rare témoignage de la vie des Aztèques pendant la conquête espagnole. Une partie de l’ouvrage s’intitule La Mesa de Moctezuma et parle, tout simplement, des plats servis à l’empereur Moctezuma au cours d’un diner rituel.

L’un de ses plats est un plat de chapulines, ces sauterelles dont on vous a présenté deux recettes.

Comme les colons souhaitant détruire les traces écrites des cultures préhispaniques ont plutôt réussi leur coup, cette mention est l’un des rares témoignages d’époque d’une consommation d’insectes.

Au fond, quelle importance que les peuples préhispaniques aient mangé ou non des insectes ?

Ici comme souvent sur ce blog, c’est une question de regard occidental.

Puisque nous visualisons les insectes comme une non-nourriture, ou tout au plus une nourriture de survie, nous avons du mal à visualiser leur consommation comme un élément culturel valable.

Lâchés en pays doté d’un passé colonial prégnant, nous nous sommes posé une question simple et bête : s’agissait-il bien de pratiques traditionnelles, ou bien les envahisseurs espagnols avaient-ils affamé les peuples indigènes au point que ceux-ci avaient dû se tourner vers les insectes ?

Mexico Panneau marché San juanNos interlocuteurs nous ont renseignés : c’est le premier choix qui est le bon. Les insectes étaient consommés, et l’influence espagnole est plutôt allée dans le sens d’une disparition de cette consommation, de la même façon que les colons ont tenté de remplacer le maïs par le blé comme base de l’alimentation.

Cependant, de la même façon que les créations végétales issues du génie agricole américain se sont imposées partout dans le monde1, les recettes d’insectes ont continué d’exister et d’évoluer jusqu’à aujourd’hui. Elles sont bien un héritage des peuples indigènes et sont défendues en tant que telles par les personnes qui promeuvent la consommation d’insectes au Mexique.

Mais pour ce qui est de l’actualité des insectes comestibles au Mexique, on vous en parlera au prochain article.


1 On ne va pas vous faire l’affront du rappel, si ? Maïs, pomme de terre, tomate, cacao… Une liste un peu plus complète mais toujours pas exhaustive en suivant ce lien !

3 réflexions sur “[Mexique 🇲🇽] Insectes préhispaniques

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