Au cours de notre voyage aux États-Unis du Mexique, nous avons principalement visité deux endroits : la ville de Mexico, et la ville de Oaxaca. Dans les deux, on trouve des insectes ; dans les deux, on en mange. Non seulement la culture entomocole mexicaine a des différences marquées avec le reste du monde, mais on voit en plus des différences intéressantes entre Mexico et Oaxaca.
Au Mexique en général…
L’exception la plus intéressante par rapport au reste du monde, c’est que beaucoup d’insectes sont cuits au four et qu’aucun n’est frit.
Je répète : Aucun. Insecte. N’est frit.

Des chapulines cuites au four puis poêlées
Et c’est là que c’est intéressant de regarder vers le passé. Pour frire, il faut des matières grasses en grande quantité (huile ou graisse) : les peuples préhispaniques n’y avaient pas accès. Cela dit, il leur restaient un grand nombre de méthodes de cuisson disponibles : la nourriture était bouillie, poêlée à sec ou cuite au four.
Depuis, des introductions espagnoles ont trouvé leur chemin dans la gastronomie des insectes : ainsi, des tortillas de blé sont utilisées, la sauterelle chapulin s’accorde avec le fromage quesillo et les larves de fourmis escamoles sont cuites au beurre.
Question marketing, deux idées sont apparues qui n’avaient pas grand sens avant l’ère contemporaine :
Le fear factor des bouteilles de mezcal comportant un ver d’agave à l’intérieur ;
- L’idée des insectes comme source de protéines meilleures pour la santé que les autres protéines animales.
Ces grandes lignes tracées, à Mexico ou à Oaxaca, l’ambiance n’est pas la même.
À Mexico…
Comme souvent, la capitale a des airs de vitrine du pays tout entier : on y trouve par conséquent des lieux dévolus à la vente et la consommation d’insectes, d’arachnides, et d’autres spécialités préhispaniques venues de tout le Mexique.
Le marché de San Juan est l’un de ces lieux. Passés le rayon légumes, le rayon fromages et le rayon pain, cette place couverte renferme plusieurs allées de stands d’insectes.
Certains sont des petits restaurants à l’intérieur même du marché ; d’autres sont des épiceries fines vendant des fourmis enrobées de chocolat et de l’alcool renfermant un scorpion ; d’autres enfin sont des marchands d’insectes en gros, qui fournissent généralement les autres.
À part les derniers, ils essaient d’attirer l’attention du chaland avec plus de vigueur qu’un étal de primeurs ; les vendeurs apostrophent, les stands mettent les insectes en avant, et comment ne pas vous parler du travail de calligraphie des ardoises ?
Juste à côté du marché, un petit restaurant avec lequel nous sommes entrés en contact : la Cocina de San Juan. Nous espérions uniquement voir des insectes que nous n’avions pas rencontrés au marché, nous avons été gâtés puisque le propriétaire du restaurant a accepté de répondre à une interview à cette occasion.
Personne engagée dans la conservation des traditions entomocoles et le développement du marché des insectes, Pedro Felipe Hernández joue la diversification puisqu’il s’est même mis à importer des vers de farine (complètement absents du panel traditionnel).
Dans la ville de Mexico, l’entomoculture essaie d’attirer le public, parce qu’elle a bien failli être abandonnée.
À Oaxaca…
En comparaison, à Oaxaca, les stands sur les marchés sont beaucoup moins tape-à -l’œil.
De nombreux vendeurs – pour être parfaitement représentatif, il vaudrait mieux dire « de nombreuses vendeuses » – présentent une abondance de sauterelles, de fourmis et de vers d’agave en toute simplicité, sans la moindre ardoise calligraphiée.
Toujours dans la comparaison, là où la spécialité de la Cocina de San Juan était la cuisine aux insectes et quelques autres viandes dites préhispaniques, un autre restaurant où nous nous sommes rendus a un autre credo.
La Casa Oaxaca est un restaurant traditionnel de luxe, tout simplement ; ils servent des insectes en tant que produit traditionnel de luxe, et ne servent que les spécialités de la région de Oaxaca.

Les escamoles aux avocats servis à la Casa Oaxaca
Si à Mexico, on appuie l’idée que les insectes sont une nourriture traditionnelle et normale, à Oaxaca, les insectes sont une nourriture si traditionnelle et normale qu’il n’y a même plus besoin de le mentionner.
Il est difficile de rédiger une conclusion
Il est difficile de rédiger une conclusion quand tout va bien ; si l’entomoculture mexicaine était en crise, dans quelles envolées je pourrais partir pour la défendre !
Mais l’entomoculture mexicaine va bien. Les insectes ne semblent pas en voie de disparition, les traditions ne sont ni perdues ni abandonnées, les pratiques sont diverses à travers les États du Mexique et plutôt bien documentées puisque plusieurs chercheurs sont sur le coup depuis des décennies. La cuisine mexicaine aux insectes est la plus variée que l’on ait vue lors de ce tour du monde. D’une région à l’autre, les plats à six pattes varient, les traditions et les coutumes diffèrent en fonction de l’insecte consommé, et l’intégration des insectes dans la gastronomie est parfaite.
Nous en avons fini avec nos articles concernant l’entomoculture mexicaine. Dans les prochains articles, nous changeons de continent : rendez-vous au Cameroun.
Encore un super article qui nous fait un peu voyager, continuez comme ça !
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