Alors que nous cherchions des informations sur les insectes comestibles dans le coin de Bafia, notre guide nous a ramené une surprise, découverte à l’intérieur même de l’hôtel où nous étions stationnés.
« Je crois que c’est un scarabée qui se mange« , nous dit-il, « mais je n’en suis pas certain alors nous devrions confirmer ça avec une grand-mère.«
Nous utilisâmes une bouteille en plastique pour servir de cage au scarabée et l’emportâmes avec nous dans la suite de nos aventures.
Une semaine plus tard, notre guide nous mit en contact avec une femme du village voisin du sien. La dénommée Gwenne-Marie accueillit nos petites têtes avec la curiosité toute naturelle d’une personne ordinaire qui ne voit pas ce que des étrangers pourraient bien lui vouloir.
Notre guide lui sortit le scarabée. « Mbombogo ! », le reconnut-elle. « Un bonbon ? » s’étonna notre guide. Entourée de ses voisines, Gwenne-Marie nous parla de l’insecte.
L’identification du scarabée est formelle : il est bien comestible. S’il y avait eu le moindre doute sur le sujet, notre guide s’en serait débarrassé avant qu’il ne nous vienne l’idée d’essayer de le cuisiner quand même. Bien qu’elle l’ait reconnu, Gwenne-Marie reste étonnée : où avons-nous trouvé la bestiole, pourtant rare ? Nous répondons simplement qu’elle nous vient de Bafia.
Gwenne-Marie a quatre-vingt-un ans et a eu une vie pour voir sa région changer. Dans le temps, nous dit-elle, on en trouvait partout de ces Mbombogo ; c’est un insecte qui vit dans les raphias. Mais depuis la forêt a disparu et ces insectes forestiers avec.
Incrédules, nous regardons les arbres qui entourent les habitations. Notre guide comprend notre gap culturel et nous explique plus en profondeur : « Autour de nous, la génération de nos grand-parents a fait des plantations de cacao. On trouve aussi des jachères et du manioc, des arachides et des bananes plantain qui poussent ensemble. En tout cas ce n’est plus de la forêt. »
C’est un peu la même bévue que si on avait confondu un verger de pommiers avec une forêt domaniale. Encore que les forêts domaniales, elles aussi, soient l’oeuvre de la main humaine.
Revenus au scarabée, Gwenne-Marie continue de nous le présenter. Plein de vitamines, selon ses termes, il entrait autrefois dans le cadre d’une alimentation locale et équilibrée qui l’a maintenue en bonne santé jusqu’à son âge. Malheureusement, le Mbombogo fait partie de ces « bonnes choses qu’on n’a plus ici ».
Le brin de nostalgie n’a pas trop duré puisque Gwenne-Marie enchaîne sur la cuisson de la bête. Elle se cuit directement sur le feu ; avons-nous un feu là où nous créchons ? Absolument pas. Et Gwenne-Marie d’emprunter le foyer encore actif de la voisine pour nous faire filmer la préparation du Mbombogo.
Le début de la cuisson se fait en jetant le scarabée sur le dos pour l’empêcher de partir. Une fois qu’il est bien cuit sur cette face, on le retourne. Un temps de cuisson plus long nous aurait débarrassé d’une partie de sa carapace ; comme ce petit bout là était tout seul sur le feu, nous perdons collectivement patience et le goûtons en mordant à travers son armure.
Il a un goût un peu amer, définitivement animal malgré l’absence de note métallique et ses saveurs herbacées qui évoquent les palmiers. Légèrement gras, surtout juteux. Un goût d’insecte, en fait. Nous quittons Gwenne-Marie et retournons à la ville, adieu petit scarabée qui a terminé là son épopée.
C’était le dernier article sur le Cameroun. Le prochain vous parlera de notre itinéraire au Zimbabwe et les suivants d’aspects de l’entomoculture que nous avons découverts là-bas. À très vite !
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