Au Cambodge, nous avons rencontré des gens qui nous ont introduit à plusieurs méthodes pour obtenir des insectes et autres animaux. Nous vous en présenterons quatre au cours des prochains articles. Voici en premier une technique qui n’est ni une chasse active, ni une forme d’élevage.
Dans la campagne cambodgienne, en haute saison des insectes, on peut voir de nombreuses constructions de bois et de bâches transparentes allumées sur le bord des routes pendant la nuit.
Ces appareils sont des pièges à insectes. Ils sont constitués d’un cadre (ici en branches), d’une toile (ici en plastique) tendue par des cordes, d’une bassine d’eau faite d’un bac de planche étanchéifié avec le même plastique que celui de la toile, et d’une lampe.
La lampe est allumée le soir et le piège entre aussitôt en action.
Les insectes des alentours sont attirés par la lumière, surtout ceux qui peuvent voler ou sauter. Pour l’atteindre, la plupart rencontrent le chemin de la bâche plastique tendue devant ; soit ils s’assomment en la percutant, soient ils s’épuisent à essayer de la traverser. Dans les deux cas, ils tombent dans la bassine d’eau.
Les insectes sont récoltés à l’aide d’une passoire au cours de la nuit pour libérer de l’espace dans la bassine : elle se remplit vite.
Le lendemain matin, les insectes appréciés sont séparés des insectes qui n’ont pas bon goût à la main ou à l’aide d’une passoire.
Nous avons testé un de ces pièges en dehors de la haute saison des insectes grâce à la complicité de Tchun Lee et Kunthy, habitants de Kampong Thom. Nous avons pu récolter :
- Des taupes-grillons, ou « kmol[1]«
- Des grillons, ou « tchonrat »
- Des sauterelles, ou « kanaub »

Sauterelle

Taupe-grillon ou Courtilière Auteur è¾»ç• , licence CC-BY-SA
Et d’autres petits insectes, pour un total d’un peu moins de deux kilos, utilisés pour la cuisine après un rinçage à l’eau claire.
Dans la haute saison saison, un piège peut récolter entre 4 et 5 kilogrammes d’insectes divers par nuit. La famille du récoltant en conserve un ou deux kilos pour sa consommation journalière et cède le reste au prix de 7 ou 8 dollars par kilogramme – ces insectes finiront cuisinés sur les marchés. Quatre ou cinq pièges peuvent du coup rapporter un peu plus de 200 dollars par jour, un bon revenu pour une famille.
Constitués de matériaux faciles à obtenir et à mettre en place, utilisant l’instinct des insectes pour les laisser se capturer eux-mêmes, les pièges à insectes sont des outils adaptés à une consommation importante d’animaux qui ne sont pas élevés.
Ces pièges n’attirent des insectes que dans un rayon limité et ne couvrent pas tout le terrain disponible. Pour l’instant, aucune diminution de la population d’insectes n’a été constatée par les récoltants : s’il y en a une, elle n’est pas encore perceptible. Les locaux expliquent cette innocuité supposée des pièges par la vitesse à laquelle les insectes se reproduisent. Cependant il n’y a pas eu d’étude d’impact effectuée (à notre connaissance).
Contrairement à des insectes élevés, les insectes capturés ne sont pas traçables. Faire confiance au produit, c’est faire confiance au terrain sur lequel il a été piégé. Cet aspect ne semble inquiéter ni les récoltants ni les revendeurs, et ne paraît pas faire l’objet de plaintes de quelque côté que ce soit.
Pour résumer, les pièges à insectes ont pour avantage d’être faciles à fabriquer et de fournir de la nourriture et un revenu saisonnier intéressant à des familles de la campagne. C’est à confirmer, mais ils auraient peut-être un impact faible ou nul sur les populations d’insectes. Les désavantages sont que le produit de la capture est un mélange d’insectes appréciés et non-appréciés qu’il faut trier manuellement, et qu’on ne sait jamais avec certitude quelle a été la vie et l’alimentation de l’insecte avant sa capture.
Le commerce florissant des insectes cuisinés suggère que les pièges à insectes ont encore de beaux jours devant eux.
[1] Nos translittérations du khmer vers l’alphabet romain sont approximatives, pardon pour ça ! Nous avons eu du mal à trouver des sources.
5 réflexions sur “[Cambodge 🇰ðŸ‡] Anatomie d’un piège à insectes”