Nouvel épisode, nouvelle question de spectateur ! Suite au visionnage de notre documentaire sur l’entomoculture cambodgienne, deux fidèles abonnés se sont interrogés sur les méthodes de capture des insectes. Pour les besoins de cet article, nous les appellerons Michel et Mélanie, car c’est leurs prénoms.
MICHEL.- Sinon ça n’a pas l’air très Charlie comme méthode de capture… C’est un peu comme la méthode de capture de poisson avec une grille qui racle de fond de la mer, et qui tue 20 espèces protégées pour 2 types de poissons comestibles capturés. Ça fait un peu similaire comme méthode le coup des lumières et de l’eau salée… Comme vous dites dans la vidéo, en période « pleine », y’a des pièges comme ça tout le long des routes. Imagine qu’on fasse pareil en France !
MÉLANIE.- Je suis d’accord que ça fait très « braconnage dans son coin »… J’avoue que je m’étais posé la question, si Michel se l’est posée aussi c’est que ça risque de revenir.
Eh bien à notre grande surprise, cette question n’est pas revenue. Pas grave, on va y répondre quand même !
En effet, comme nous l’avons évoqué dans un article dédié, la méthode sud-est asiatique pour capturer des insectes est redoutable. Une bâche, quelques lumières et un bac d’eau salée suffisent à attraper absolument tout ce qui passe. Le butin s’élève à plusieurs kilos chaque nuit, et en haute saison, rare sont les ménages khmers qui n’installent pas trois ou quatre pièges sur le bord des routes.
La question qui se pose donc, c’est… Est-ce bien bon pour l’environnement, tout ça ?
Vous avez sans doute déjà entendu parler de l’effondrement catastrophique des populations d’insectes européennes. Un événement similaire risque-t-il de se produire en Asie du Sud-Est, avec l’augmentation croissante de la demande en insectes ?
La réponse est : probablement, mais on sait pas.
Lorsqu’on nous a montré comment construire un piège à insectes, nous avons posé la question à Kunthy. Elle n’a pas observé de diminution des quantités d’insectes capturés au cours des dernières années… Mais ce piège est une méthode de capture généraliste, qui permet d’attraper tout ce qui passe à portée. Or, la majorité des insectes capturés qui sont ensuite consommés sont des grillons, des sauterelles, des courtilières etc. Donc des bestioles assez grosses. Si ce dispositif piège de minuscules pollinisateurs trop petits pour finir sur les étals du marché, alors, du moment que les chasseurs d’insectes capturent toujours leurs dix kilos de grillons, il y a un risque pour que la disparition de ces espèces-là passe inaperçue.
Peut-être qu’il faudrait étudier, d’année en année, le profil des butins des chasseurs, pour voir si les proportions relatives d’insectes capturés varient. Peut-être même que cette expérience a déjà été faite ?
… Eh bien, pas vraiment. À vrai dire, cette étude de l’Université de Wageningen se pose la question, justement – et eux aussi déplorent l’absence de données sur le sujet.
Pourtant, les conséquences sur l’environnement peuvent être multiples :
- Si cette méthode de capture diminue les populations de pollinisateurs, ce seront non seulement les plantes sauvages qui risquent d’en pâtir, mais les cultures des khmers aussi.
- De nombreux animaux, oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens, consomment des insectes. Pas d’insectes, pas d’animaux insectivores. Or, dans les régions rurales du Cambodge, ces animaux-là finissent parfois dans l’assiette des agriculteurs. Les légumes ne sont donc pas les seuls aliments menacés sur le menu khmer.
- Ceci étant dit, les cultures pâtissent déjà… Des grillons et des sauterelles ! Or, ceux-ci sont justement piégés par ce dispositif lumineux. Serait-il possible que cette capture ait un impact bénéfique sur les cultures ? Wageningen suggère que oui. Au delà de la productivité accrue des cultures, collecter les insectes implique de ne pas utiliser de pesticides : le risque de résistance développée par les insectes diminuerait donc aussi.
En l’absence de données, tout ceci reste de la spéculation. Ceci étant dit, à l’heure actuelle, on sait que l’augmentation de la demande et le développement de nouvelles technologies de capture menacent déjà certaines espèces, comme les mygales, les punaises d’eau géantes ou les fourmis tisserandes. Il est très probable que les pièges lumineux ne fassent pas non plus beaucoup de bien aux populations des insectes capturés… C’est pourquoi l’élevage d’insectes présente autant d’attraits : si on produit nos propres grillons, pas besoin d’aller taper dans les ressources sauvages.
Ceci conclut donc ce second article de questions / réponses ! Si vous avez vous-même des questions – ou des réponses à apporter – n’hésitez pas à laisser un commentaire.