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[Zimbabwe 🇿🇼] Mopanes, les chenilles préférées du sud de l’Afrique

Les chenilles mopanes sont l’un des insectes favoris du sud de l’Afrique. Elles sont notamment consommées en Afrique du Sud, au Botswana, en Namibie et au Zimbabwe. Ces pays ont également une tradition de récolte de ces chenilles dans la nature… et deux personnes s’essaient à leur domestication.


De l’œuf au papillon

Le cycle de vie des mopanes est un cycle de vie de papillon tel qu’on le connaît : un Å“uf est pondu, éclot en une petite chenille qui mange et grandit puis qui s’enferme dans une chrysalide, qui elle-même laisse sortir un adulte ailé fertilisant ou pondant des Å“ufs.

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Œufs et chenille sortant tout juste de l’œuf

Ceci établi, passons aux détails.

Les chenilles mopanes sont appelées ainsi parce qu’elles se nourrissent des feuilles d’un arbre appelé mopane ; leur vie se déroule autour de son cycle de vie à lui. Quand vient le moment de se transformer en chrysalides, les chenilles s’enfoncent dans le sol autour de l’arbre et préparent leur transformation sous terre. L’arbre mopane perd ses feuilles à la saison sèche et n’en refait pousser qu’à la saison des pluies suivante : la chrysalide attend donc elle aussi la pluie, inutile pour elle de devenir un adulte et de pondre ses Å“ufs si sa descendance ne trouvera rien à manger. Et comme le Zimbabwe connaît parfois des absences de pluies, la chrysalide est capable de survivre six années dans le sol.

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Un seau rempli de délicieuses chenilles mopanes

Les chenilles sont des parasites pour les arbres mopanes, puisque si elles mangent ses feuilles en nombre suffisant elles sont parfaitement capable de tuer leur arbre-hôte. Elles sont également une source de nourriture pour d’autres animaux, notamment des espèces d’oiseaux.

Étant délicieuses, elles sont aussi appréciées des humains.

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Chenilles mopanes cuisinées. La méthode reine au Zimbabwe : d’abord bouillir, laisser évaporer l’eau, ensuite braiser.


Récolte traditionnelle

Les chenilles vivent sur les arbres et parfois à leur cime. Y grimper pour récolter le précieux insecte n’est pas très sûr et pas assez rapide pour assurer la productivité nécessaire à alimenter un marché très demandeur : la méthode normale est donc, actuellement, d’abattre les arbres mopanes pour y récolter les chenilles.

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À gauche de l’image, avec son feuillage vert clair : un jeune arbre mopane.

À notre connaissance, cet abattage est fait dans des bois non-cultivés de la main humaine. L’abondance des arbres mopanes n’a pas créé le besoin d’un programme de replantation, entreprise qui serait de toute façon risquée puisque personne ne réclame un droit de propriété sur les arbres mopanes (on risquerait donc de voir quelqu’un d’autre abattre les arbres qu’on a plantés).

Les insectes sont séchés sur place, une pratique qui permet de les conserver et de prolonger la durée de vie de cette denrée très saisonnière. Une économie prospère fleurit autour de ce produit délicieux et convoité.

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Chenilles bouillies avec un peu d’assaisonnement, puis laissées à braiser quand l’eau s’est évaporée

Mais ce n’est pas sans problèmes. En fait, les chenilles mopanes sont considérées comme surexploitées. Des mesures sont tentées dans les pays exploitants pour préserver les populations d’arbres et de chenilles mopanes, ce qui demande un délicat équilibre pour ne pas priver des travailleurs (récolteur, revendeuses) d’un moyen de subsistance.


Tentative d’élevage

Nous avons eu la chance de rencontrer la famille Mutedzi, et notamment les deux frères Godfrey et Blessing Mutedzi, qui possède une exploitation agricole dans la région de Marange. Godfrey et Blessing ne sont pas nés dans cette région et y ont déménagé à l’âge adulte. Sur place, ils n’ont pas trouvé d’exploitation des chenilles mopanes, bien que les arbres mopanes soient présents. Ils ont commencé à s’intéresser de plus près à ces insectes, pour assurer leur propre approvisionnement en cet aliment qui leur manquait.

Les deux frères ont étudié et décortiqué le cycle de vie des mopanes et ont réfléchi à la façon dont ils pourraient l’influencer à leur avantage.

Chrysalide

Chrysalides de mopanes

Ils ont déterré les chrysalides au pied des arbres et les ont replantées dans un bac de sable à leur domicile. Ils ont récupéré des papillons qu’ils ont enfermé dans des serres pour pouvoir facilement récupérer et contrôler la quantité des Å“ufs. Ils ont tenté d’implanter les chenilles sur différentes espèces d’arbres pour voir si elles pouvaient manger autre chose que des feuilles de mopanes. Ils ont protégé tous ces arbres avec des filets pour éviter la concurrence des oiseaux.

Filets

Filet contre les oiseaux

Ils ont essayé d’irriguer les arbres mopanes pour voir s’ils pouvaient les empêcher de perdre leurs feuilles à la saison sèche et permettre ainsi aux chenilles de manger à longueur d’année. Ils ont attendu la descente des chenilles de l’arbre, juste avant leur transformation en chrysalide, pour les ramasser à la main sans le risque du travail en hauteur et sans abattage des arbres.

En fait, ils ont accompli un travail d’expérimentation vraiment impressionnant. Ce n’est pas seulement notre avis mais aussi celui de chercheurs de l’Université de Chinhoyi spécialisés dans les insectes, qui ont appris l’existence du travail des Mutedzi il y a quelques années et essaient depuis lors de les assister avec des moyens indisponibles sur leur ferme, notamment en travaillant sur la formulation d’un aliment pour les chenilles qui permettrait de se passer des feuilles de l’arbre mopane pendant les six mois de l’année où il n’a plus ses feuilles.

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La famille Mutedzi, que nous remercions très chaleureusement pour leur accueil !

Ce type d’élevage a le potentiel d’une alternative à la collecte dans la nature, et pourrait résoudre les problèmes de surexploitation. Actuellement, ils gèrent le projet sur leurs fonds propres et une motivation sans faille. On souhaite aux Mutedzi que leur activité connaisse le meilleur développement possible, non seulement parce qu’ils sont brillants et méritent de voir leurs efforts fructifier*, mais aussi pour la durabilité de la consommation de chenilles mopanes dans le sud de l’Afrique.


* Si tout se passe selon leurs plans ce ne sera pas un problème, puisqu’ils seraient les premiers à pouvoir fournir des chenilles fraîches hors-saison.

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