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[Australie 🇦🇺] Insectes sucrés

Les fruits et les légumes dont nous avons l’habitude en Europe ont été sélectionnés pour être plus sucrés que leurs ancêtres végétaux. Cette sélection n’a pas eu lieu dans le bush australien, où les fruits et légumes sont plutôt acides et amers. Le sucre n’existe-t-il pas dans la cuisine aborigène ? Si, mais il vient d’ailleurs.


Classique, le miel

Les abeilles de l’espèce Tetragonula carbonaria installent leur nid dans les cavités d’arbres situés en zone de forêt, où elles produisent du miel dans des rayons entre toutes leurs activités d’abeilles.

Ces petites abeilles noires, poilues et sans dard, leur nid et tout ce qui se rapporte à elles sont appelés « sugarbag » (sac de sucre) par les consommateurs traditionnels, qui tendent à manger le nid entier (cire comprise) plutôt qu’à y faire un prélèvement de miel.

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Tetragonula carbonaria. Source : Wikipédia

Ce miel est principalement constitué de sucres (fructose, maltose, glucose et sucrose qui représentent en moyenne 64,1% de la masse du produit) et d’eau (en moyenne 26,5% de la masse, soit plus humide que les miels d’Apis mellifera) ; s’y ajoutent 10% de composés divers qui lui donnent son goût réputé riche et délicieux ainsi que d’autres propriétés étudiées.

Malgré une production faible de chaque ruche de ces abeilles australiennes (environ 1kg par an) par rapport aux européennes Apis mellifera (environ 25 kg par an), plusieurs sites internet proposent d’acheter du miel ; d’autres sites vendent des kits pour démarrer sa propre ruche de Tetragonula carbonaria histoire de faire vivre l’espèce et de récupérer son propre miel à la maison.


Moins classique, les fourmis à miel

Plusieurs espèces de fourmis australiennes, comme Melophorus bagoti ou Camponotus inflatus, ont des individus qui stockent de la nourriture liquide pour la colonie dans leur abdomen au lieu que cette source de nourriture soit stockée dans une pièce à part de la fourmilière. Les individus concernés sont faciles à repérer : leur abdomen est complètement déformé.

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Fourmis à miel et fourmis ouvrières à l’abdomen non dilaté. Source : Wikipédia.

Le « miel de fourmi » se mange… directement au cul de la fourmi. La fourmilière est déterrée et les individus sont mangés sur place. La fourmi est attrapée délicatement, l’abdomen est introduit entre les lèvres qui sont pincées jusqu’à ce que l’abdomen de la fourmi cède et libère le petit peu de miel qu’il contenait. La fourmi est relâchée : potentiellement, elle peut reprendre du service comme stock de nourriture vivant. Potentiellement. Nous ne savons pas si des études ont été faites sur le sujet.

Nous n’avons pas trouvé de composition exacte du miel de fourmi ; comme son goût est sucré et acide, il est probable qu’on y trouve de l’eau, différents sucres, et peut-être un peu d’acide formique.

Ces fourmis se consomment sur place, pas à emporter : le seul moyen de les déguster nature est donc de faire une virée dans le bush avec des professionnels de la récolte. Notons qu’elles sont plus faciles à attraper après une bonne pluie, les fourmis fuyant l’humidité qui s’accumule dans le sol.

Hors dégustation directe, il existe une recette aborigène qui mêle farine des graines du bush et miel de fourmi pour fabriquer des petits pains au miel.


Encore moins classique, les lerps

Les larves de certaines espèces de psylles, de petits insectes vivant de sève de plante, fabriquent autour d’elles une gangue de miellat cristallisé appelée « lerp » pour se protéger.

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Un exemple de lerps – il en existe de nombreux, très différents selon l’espèce de psylle et d’arbre. Source : Wikipédia.

Malheureusement, les prédateurs aiment le sucré ! Les branches ou les feuilles où les insectes ont élu domicile et bâti leurs carapaces de caramel sont une friandise appréciée par les aborigènes.

Ces lerps sont solides et ne contiennent donc pas énormément d’eau : entre 10 et 15%. Elles ne contiennent pas non plus beaucoup de sucres simples, mais un paquet de sucres polymérisés très différents les uns des autres selon l’espèce de psylle.

Cette sucrerie est peut-être plus facile à trouver qu’on pourrait le penser : des espèces de psylles ont été introduites un peu partout dans le monde, y compris en France, grâce aux eucalyptus dont elles se nourrissent. Personnellement, je ne sais pas si je suis prête à aller lécher ce qui dépasse des branches sans l’avis d’un professionnel !


À l’origine, les fleurs

Les abeilles, les fourmis et les psylles ont un point commun important à évoquer : d’une façon plus ou moins détournée, le sucre qu’elles ont accumulé a été en premier lieu créé par les plantes, par photosynthèse.

La photosynthèse produit en effet du dioxygène et du sucre à partir de dioxyde de carbone et d’eau. Ce sucre est ensuite transformé et utilisé par la plante pour ses propres besoins, y compris son besoin d’utiliser les animaux à son avantage.

Le nectar au fond des fleurs attire les abeilles, qui participent à la reproduction des plantes en cherchant leur nourriture. La sève des plantes est parasitée par les psylles, qui utilisent une partie des sucres qu’elle contient pour fabriquer leur lerp. Les fourmis grattent un peu à tous les râteliers pour constituer leurs réserves de nourriture.

D’ailleurs, les aborigènes ne s’y trompent pas : les fleurs et la sève séchée (gomme) de certaines plantes font partie des régimes alimentaires traditionnels.


L’injonction à la réduction des lipides, des glucides et du sel dans l’alimentation occidentale fait que les nourritures du bush australien sont considérées comme saines : l’emphase est mise sur des viandes très maigres, des fruits et légumes peu sucrés, des graines donnant des farines complètes.

Mais en vrai, avant le débarquement européen en Australie et le changement sociétal qui a fait exploser la prévalence des surpoids et du diabète, les enjeux alimentaires ne se posaient pas du tout en ces termes pour les peuples aborigènes. Le sucré en général existait et était recherché, notamment à travers les productions de différents insectes.

Au prochain article, je voudrais évoquer l’élevage du « bush tucker », et, après ça, nous en aurons fini avec notre étape australienne… Jusqu’à la sortie du documentaire !

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