Nous avons rencontré beaucoup de personnes intéressantes au cours de notre voyage ; je voulais vous les présenter parce qu’elles nous ont particulièrement aidé à recueillir des informations et des images sur l’entomoculture japonaise.

Devant à gauche, Daisuke Miyake ; au fond à droite, Shoko Miyake.
Les Miyake sont un couple que nous avons rencontré parce que toutes les personnes s’intéressant à la culture de la guêpe les ont rencontrés ; ils sont notamment cités par l’équipe de Josh Evans dans leur livre[1]. Daisuke est bûcheron, Shoko est professeure d’anglais[2], mais pas seulement : tous deux tiennent des rôles importants dans l’entomoculture de Kushihara. Daisuke contribue à capturer des nids de guêpe et neutraliser des nids de frelons, Shoko est responsable de la préparation des hebo gohei mochi qui sont le clou culinaire du festival. Ils produisent et vendent quelques produits transformés au festival et en boutique, ce qui a pour effet secondaire de compléter leurs revenus. C’est sur leur stand que vous nous avez vus nous pinter à l’alcool de frelon ; ils nous ont aussi accueillis chez eux pour répondre à nos questions sur le festival.

À gauche, Mitsutoshi Oshima ; à droite, Hatsumi Oshima.
Un autre couple a été central dans notre séjour à Kushihara : celui formé par Hatsumi et Mitsutoshi Oshima. Ancien pompier, monsieur est le président d’une association de conservation de la région et un des éleveurs qui participe au concours du plus gros nid lors du festival ; madame est une cuisinière professionnelle à la retraite qui perpétue les recettes à base de guêpes et en élabore de nouvelles. Vous pouvez voir leurs mains sur notre vidéo culinaire : lui s’est chargé de griller les guêpes et d’ôter leurs ailes aux frelons, elle a accompli le reste de la préparation des plats. Monsieur Oshima nous avait également gardé une de ses ruches de côté, ce qui nous a permis d’assister à un dépiautage de nid de guêpes en direct.

À gauche, Kenichi Nonaka ; à droite, Yasuharu Tsukahara.
Le professeur Kenichi Nonaka de l’université de Rikkyo, géographe spécialisé dans l’entomoculture, a voyagé autour du monde pour ses recherches mais n’a pas oublié d’étudier l’entomophagie présente dans son propre pays. Nous nous sommes croisés brièvement, mais il a eu le temps de nous présenter à monsieur Yasuharu Tsukahara, traiteur de la ville d’Ina réputé pour une recette : la cuisson en tsukudani[3]. Il prépare ainsi des anguilles, des petits poissons, des larves de guêpes, des criquets de rizière, des nymphes de vers à soie et des larves de trichoptères. Rien que des aliments normaux. Après avoir discuté avec nous de son activité, il nous a offert une quantité faramineuse de ses produits.

Shoichi Uchiyama.
De retour à Tokyo, nous avons eu la chance d’assister à un atelier de cuisine de monsieur Shoichi Uchiyama. Auteur et éditeur, il cherche à réhabiliter une culture de consommation des insectes qui s’est en partie perdue avec le temps, ce qui passe par introduire des recettes d’ailleurs et un peu de cuisine fusion. Vous avez pu voir les plats résultants : de délicieuses boulettes à la mue de cigale, une ratatouille à la larve de frelon et de petites omelettes meringuées japonaises à la framboise et à la guêpe.
S’il y a quelque chose à dire de toutes ces personnes, c’est qu’à part leur nationalité et la classe à laquelle appartient leur repas, leur point commun est une forme de passion qui croît avec le dégoût qu’inspirent les insectes au public. Les Miyake sont ouverts sur leur activité secondaire, les Oshima présentent sans souci leur hobby et monsieur Tsukahara fait tourner sa boutique, quand le professeur Nonaka et monsieur Uchiyama sont peut-être davantage dans une position de défenseurs.
Protection d’une tradition menacée à part, toutes ces personnes mènent des vies ordinaires. Aussi ordinaires que le sont pour eux les ingrédients à six pattes.
Les deux idéalistes que nous sommes, aux Criquets Migrateurs, avons une appréciation toute particulière pour cette décontraction. Les guêpes de la région de Gifu sont mises en valeur avant tout comme produit du terroir et pas comme insectes ; il est admis que les anciens ingrédients que sont les insectes ont été abandonnés au profit d’une modernité importée et pas parce qu’ils valaient moins que la viande, la volaille ou le poisson.

Riz à la guêpe parsemé de larves de frelons. Mince, je me suis mis l’eau à la bouche.
Nous avons cet espoir de vous faire toucher du doigt cette normalité pour contrebalancer l’aspect répugnant qu’ont les insectes dans notre imaginaire collectif.
Cet article conclut la série sur notre voyage au Japon : retrouvons-nous bientôt pour nos articles sur le Cambodge.
[1] On eating insects chez Phaidon
[2] Leur situation m’a rappelé la dynamique professionnelle que j’ai rencontrée à la campagne et qui était celle de mes propres parents : l’homme a une activité de la terre (ouvrier agricole ou viticole, ou éleveur) tandis que la femme a une activité dans la collectivité (à la mairie, à l’école, ou dans une autre structure).
[3] D’ailleurs si le sujet vous intéresse nous allons écrire un petit billet à ce sujet sur le blog de Jimini’s !
2 réflexions sur “[JAPON 🇯🇵] Ceux qui nous ont présenté leurs insectes”