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[Cameroun 🇨🇲] La culture des vrais foss

Les foss, appelĂ©s aussi vers blancs, sont consommĂ©s par un tas de personnes Ă  la campagne comme Ă  la ville. Qui sont-ils ? Comment les capture-t-on ? Quelles sont leurs perspectives d’Ă©levage ? C’est exactement le sujet de cet article !


Le foss, sa vie, son oeuvre

On peut parfois voir dans les cuisines camerounaises de grosses larves blancs éventrés mijoter sur le feu. Ces larves, appelées foss ou vers blancs, sont des insectes consommés avec plaisir pour leur goût délicieux.

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De savoureux foss en train de mijoter avec des herbes et des Ă©pices !

Ces foss sont les larves d’un charançon des palmiers. Elles passent leur vie Ă  manger du raphia car leur mère charançon les a pondues dans un raphia mort.

Une fois adulte, elles se reproduisent et pondent dans le mĂŞme raphia, ou dans un autre raphia s’il ne reste plus assez du raphia de leur jeunesse pour nourrir et abriter leurs larves.

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Un cycle de vie très simple, mais pas Ă  l’abri des prĂ©dateurs : les larves sont notamment Ă  la merci des mangoustes.


La récolte traditionnelle

Les camerounais tirent dĂ©jĂ  partie du cycle de vie des foss pour en rĂ©colter dans la nature. Les raphias sont abattus pour la rĂ©colte d’un produit appelĂ© matengo, vin de palme ou vin blanc, qui est la sève des raphias. Le rĂ©coltant crĂ©e une entaille sur la base de cet arbre abattu pour y attirer les charançons adultes.

Les vers blancs sont pondus dans cette première entaille et passeront leur enfance Ă  creuser le bois de l’arbre pour se nourrir. Un mois après l’abattage, les rĂ©coltants commencent Ă  venir les rĂ©cupĂ©rer ; ils le feront environ une fois par semaine jusqu’Ă  ce que les larves aient fini de consommer le tronche.

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Valentin, notre guide, en pleine collecte de foss.

La rĂ©colte des vers blancs dans les raphias abattus demande de couper le bois : Ă  la hache pour le gros oeuvre, Ă  la machette pour le dĂ©tail. Ainsi sont rĂ©vĂ©lĂ©s les tunnels creusĂ©s par l’appĂ©tit des larves, qu’il convient de ne pas couper trop loin… Ou le foss cachĂ© sera tranchĂ© en deux, et impropre Ă  la consommation.


La ferme expérimentale

Fogoh John Muafor, qui travaille pour le Living Forest Trust et que nous avons rencontrĂ©, s’est intĂ©ressĂ© aux foss et a investi dans une ferme expĂ©rimentale destinĂ©e Ă  les Ă©lever. La ferme est exploitĂ©e depuis 2014 par Valentin et Michel, deux agriculteurs des environs d’Obout, et soutenue par l’IRD et le Ministère de la Recherche camerounais.

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Fogoh John Muafor (au milieu), Marie-Françoise (à gauche) et notre guide Valentin (à droite).

Dans cette ferme, les troncs de raphia abattus et laissĂ©s sur place sont remplacĂ©s par des bacs en plastique et du bois de raphia coupĂ© en petits morceaux dans un local protĂ©gĂ©. De cette façon, un tronc de raphia entier nourrit quatre fois plus de larves qu’avec la technique de favorisation et les prĂ©dateurs naturels des foss ne viennent pas les manger.

Autre avantage, la ferme se joue de la saisonnalitĂ© des vers blancs : en saison humide, il arrive que les troncs de raphias coupĂ©s se retrouvent immergĂ©s, ce qui empĂŞche la survie des larves de charançon. La ferme n’a pas ce problème.

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La ferme expĂ©rimentale d’Obout.

Le bâtiment actuel comporte une centaine de bacs ; chaque bac reçoit deux ou trois couples de charançons adultes, qui pondent entre 75 et 150 Ĺ“ufs devenant larves en 25 jours (sauf pour les quelques unes qui meurent en chemin). Valentin et Michel venaient de rĂ©aliser une grosse vente mais nous avaient gardĂ© deux bacs de vers plus très loin de la mĂ©tamorphose : le premier contenait 27 larves, le suivant 52 larves, et il s’agissait d’une rĂ©colte dĂ©cevante selon eux.

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Chaque foss pèse quelques grammes qui se nĂ©gocient Ă  bon prix. Deux mesures existent pour la vente : les foss sont vendu soit par 5, Ă  200 francs CFA les 5 (30 centimes d’euros), soit au verre, Ă  2000 francs CFA en saison sèche (3€) et 3000 francs CFA en saison humide (4.56€). Cependant, une partie de chaque rĂ©colte est investie auprès des autoritĂ©s locales et des voisins, comme dons, pour apaiser les problèmes de voisinages crĂ©Ă©s par la mise en place de cette ferme hors du commun.


Les perspectives futures

La ferme expérimentale est encore en pleine évolution : un deuxième bâtiment est en cours de construction pour accueillir de nouveaux bacs et augmenter la production.

Les charançons adultes utilisĂ©s pour la production des larves sont pour l’instant capturĂ©s dans la nature : Valentin et Michel produisent des larves irrĂ©gulièrement et ne se voient pas garder une partie de chaque rĂ©colte jusqu’Ă  ce qu’elle se mĂ©tamorphose en adultes, mais c’est une option envisageable pour rendre la production plus importante et plus rĂ©gulière.

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Le charançon adulte.

Le raphia sauvage utilisĂ© par les fermiers pousse dans une zone situĂ©e Ă  5 kilomètres de la ferme : ils voudraient donc, Ă  court terme, investir dans un vĂ©hicule pour transporter le raphia de sa zone d’abattage Ă  sa destination finale.

Mais l’objectif Ă  long terme de Muafor est de remplacer le raphia par d’autres aliments, et mĂŞme si possible des dĂ©chets d’origine industrielle ou agricole ; le secteur du raphia n’est pas en crise pour le moment, mais un seul rĂ©coltant de foss peut abattre 400 arbres sauvages par saison… Il est hors de question pour l’instigateur de la ferme de dĂ©velopper le marchĂ© des vers blancs sans traiter la question de leur nourriture.

Ces recherches agricoles sont tournĂ©es vers l’agriculture urbaine : le but ultime de Fogoh John Muafor est de crĂ©er un dispositif facile qui permettrait aux camerounais citadins d’Ă©lever des foss Ă  domicile. Non seulement cela pourrait reprĂ©senter un apport protĂ©ique bon marchĂ© pour les familles, mais en plus il ne s’agit pas de n’importe quelles protĂ©ines : imaginez un peu Ă©lever du foie gras au fond du jardin…


Les insectes xylophages n’ont jamais fini de nous surprendre. Ici comme en ThaĂŻlande, on fait un festin des ravageurs du bois et on transitionne depuis la favorisation sauvage vers l’Ă©levage. Nous espĂ©rons que cette petite prĂ©sentation du projet vous a plu.

89 réflexions sur “[Cameroun 🇨🇲] La culture des vrais foss

  1. Dolly dit :

    L’une des mĂ©thode les plus artisanales et plus simple c est de les mettrnt dans un endroit assez chaud asperger des feuilles de patate trempĂ©es dans de l eau concentrĂ©e par exemple

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